Propagande

 

13 FÉVRIER 2015

 

David Carzon

 

Cher monsieur Eastwood, Je dis monsieur et pas Clint pour évacuer très vite le respect que je peux avoir envers vous et votre œuvre. Ou du moins une partie car, comme certains de vos plus récents films, American Sniper a des relents amers. Il faut se méfier de la lecture biaisée - parce que française - de ce que produit l’Amérique. Nous n’avons pas tous les codes pour appréhender l’obsession du cinéma américain pour la revanche, la défense de la patrie, la construction de mythes à partir de simples hommes, la fabrication de menaces pour mieux les détruireLe succès incroyable de votre film au box-office outre-Atlantique montre que le public américain adhère à votre propos. On peut saluer cette capacité des auteurs américains à s’emparer de leur histoire contemporaine pour la mettre en images - la France ne peut pas en dire autant avec son passé. Malgré tout, il manque l’essentiel à votre lecture de la guerre en Irak à travers l’histoire vraie du sniper Chris Kyle. Le quotidien d’un conflit, le dilemme d’un homme face à l’horreur, la barbarie, le stress post-traumatique… tout cela est bien présent et on ne peut pas vous taxer de magnifier la guerre. Mais cette façon de simplifier l’histoire et de faire de votre personnage une légende dans un monde binaire dérange. A la différence d’un Green Zone de Paul Greengrass, American Sniper n’aborde pas la question du mensonge qui a mené à cette guerre, préférant célébrer son héros. Vous n’éviterez donc pas les soupçons de film de propagande. Mais peut-être prendrez-vous cela pour un compliment.

Bien à vous.