Iran : un accord prometteur

 

LE MONDE | 15.07.2015

 

Editorial du « Monde ». La diplomatie, ça marche – et, en général, plutôt mieux que la guerre. Certes, douze ans de pourparlers ardus, hypertechniques, à dates-butoirs sans cesse repoussées, c’est moins « glamour » qu’une belle petite campagne de bombardements à distance. Mais c’est plus efficace pour régler une question aussi difficile et fondamentale que celle du programme nucléaire de l’Iran.

 

On salue donc des deux mains l’accord annoncé, mardi 14 juillet à Vienne, par l’Iran, d’un côté, les « 5 + 1 » de l’autre – Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie et Allemagne –, sur le contrôle des activités nucléaires de Téhéran. Pour les « 5 + 1 » mandatés par l’ONU, il s’agissait de mettre sous tutelle le programme de la République islamique afin de s’assurer qu’il ne lui permettra pas de se doter de l’arme nucléaire.

 

Si le document n’est pas torpillé par les « durs », à Washington comme à Téhéran, cet objectif doit être atteint. Le mérite en revient aux deux hommes qui ont pris le risque de renouer le dialogue entre deux pays en état de quasi-belligérance depuis 1979 : les présidents Barack Obama et Hassan Rohani.

 

Durant une période de dix à quinze ans, le programme iranien sera bridé, contrôlé de telle manière que, si elle dérogeait à l’accord, la République islamique aurait besoin d’un an afin d’enrichir suffisamment d’uranium pour fabriquer une bombe nucléairece qui permettrait aux « 5 + 1 » de réagir. Aujourd’hui, au point très avancé en est le développement nucléaire de l’Iran, ce temps, le « break out time », est de deux mois.

 

Pour apprécier l’importance de l’accord, il faut connaître la situation qui a prévalu ces dernières années. Soupçonnée de violer le Traité de non-prolifération, dont elle est signataire, la République islamique fait l’objet de lourdes sanctions. Mais, si elles ont durement nui à son économie, elles ne l’ont pas empêchée d’accroître sans cesse sa capacité à enrichir l’uranium : en 2003, au début de cette négociation, le pays avait 180 centrifugeuses, aujourd’hui plus de 20 000. L’accord de Vienne arrête la marche de l’Iran vers un équipement nucléaire chaque jour plus dangereux.

 

L’accord n’est pas parfait. L’Iran ne démantèle que très partiellement son dispositif nucléaire. Il accepte de le placer sous surveillance. En contrepartie, Téhéran obtient une levée progressive des sanctions. L’enjeu est d’enrayer la prolifération dans une région en proie à la guerre et l’Iran a déjà pour voisins, plus ou moins proches, trois puissances nucléaires illégales : Israël, l’Inde et le Pakistan.

 

Opposés au chef de file du monde musulman chiite qu’est l’Iran, les Etats arabes du Golfe ont toujours critiqué cet accord. Ennemi déclaré d’une République islamique qui a appelé à sa disparition, Israël est sur la même position. Les uns et les autres craignent que la levée des sanctions ne dote l’Iran d’un surcroît de moyens au service de son expansionnisme régional. Seulement ni les uns ni les autresdont la sécurité dépend des Etats-Unisn’ont la moindre solution de rechange.

 

Rien n’est garanti, mais l’accord peut progressivement conduire à une normalisation américano-iranienne et amener l’Iran à aider au règlement de conflits régionaux dont il est l’un des acteurs les plus agressifs – de l’Irak à la Syrie en passant par le Liban. Ce qui permettrait à la diplomatie, cette pratique lente, ingrate et tellement ennuyeuse, de continuer à marquer des points.