Etat islamique : ce que la conférence de Paris n'a pas réglé

 

Le sommet convoqué lundi par François Hollande a été, selon ses mots, une "étape" de plus dans la mobilisation internationale contre l'Etat islamique. Tout n'a pas été arrêté pour autant, notamment en ce qui concerne l'opération militaire à mener contre les djihadistes.

 

C'était une conférence pour "la paix et la sécurité en Irak". François Hollande voulait en faire une "étape importante" dans la mobilisation internationale contre l'Etat islamique. Le sommet réunissant lundi à Paris près de 30 pays s'est achevé sur une déclaration de 10 principes très généraux, qui confirme surtout que le soutien à Bagdad face aux djihadistes pourrait être "militaire". Mais des questions abordées lundi, certaines n'ont pas encore trouvées publiquement de réponse.

 

A quand l'intervention?

 

"Il n'y a pas de temps à perdre", a lancé François Hollande en ouverture de la conférence de Paris. Depuis la base d'Al-Dhafra aux Emirats arabes unis, la France a effectué lundi avec ses Rafale ses premiers vols de reconnaissance au-dessus de l'Irak. Objectif : identifier les cibles à attaquer en priorité. Les modalités d'intervention pour chaque Etat doivent encore être définies au niveau des Nations unies. Une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU est prévue vendredi. Mais le calendrier des frappes n'est pas plus précis. En présentant la semaine dernière sa stratégie de lutte contre les djihadistes en Irak et en Syrie, Barack Obama n'avait pas donné non plus d'élément. "Nous n'allons pas annoncer nos coups à l'avance", a expliqué un responsable américain.

 

Qui frappera?

 

La coalition internationale en Irak ne se résumera pas à sa dimension sécuritaire. Tous les pays ne participeront donc pas aux frappes contre les positions djihadistes, loin s'en faut. Ce rôle est d'abord dévolu aux Etats-Unis, qui ont commencé leurs raids aériens le 8 août. Ils seront bientôt aidés par la France. Plus hésitant, le Royaume-Uni tarde à prendre une décision similaire. Après l'annonce ce week-end de l'exécution de l'otage britannique par l'Etat islamique, David Cameron a assuré être prêt à "prendre toutes nouvelles mesures nécessaires" sans faire d'annonce concrète. Le Canada comme l'Australie ont pour leur part confirmé l'envoi d'hommes pour fournir du renseignement ou du conseil militaire, en Irak et dans la région. Les autres pays se consacreront à la livraison, comme l'Allemagne et l'Italie, d'armes et d'aide humanitaire ou bien financeront la refondation de l'armée irakienne.

 

Que faire en Syrie?

 

C'est l'un des principaux points de désaccord entre Washington, qui veut étendre ses frappes à la Syrie, et Paris et Londres, plus réticents. Si tout le monde convient que l'éradication de l'Etat islamique passe aussi par la Syrie, la question n'en reste pas moins épineuse puisqu'une intervention dans ce pays, contrairement à l'Irak, se passerait de l'accord du régime en place. Une intervention dans un cadre international est donc ici improbable, puisque la Russie et la Chine continueront de bloquer toute résolution au Conseil de sécurité des Nations unies. Lundi à Paris, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a d'ailleurs fait savoir que le régime de Bachar el-Assad, comme l'Iran qui était le grand absent de la conférence de Paris, étaient des "alliés naturels pour la lutte contre l'Etat islamique". La France, elle, ne veut pas non plus que des frappes en Syrie puissent renforcer Damas. Dans son discours, François Hollande s'est donc gardé d'évoquer cette question, demandant plutôt un renforcement "par tous les moyens" du soutien aux "forces de l'opposition démocratique".

 

Comment couper les vivres de l'Etat islamique?

 

Dans leur déclaration finale, les pays participant au sommet de Paris se disent déterminés à prendre les "mesures nécessaires" pour s'attaquer aux "sources de recrutement et de financement" des groupes terroristes, parmi lesquels l'Etat islamique. Ils ont rappelé la résolution 2170 adoptée le mois dernier par le Conseil de sécurité de l'ONU qui condamnait "toute transaction commerciale engagée avec ces groupes notamment dans le secteur pétrolier qui leur permette de se financer". Parmi les "mesures" envisagées figurent le gel des avoirs et l’interdiction de voyager pour les individus associés à ces mouvements. "Beaucoup ont insisté ce (lundi) matin sur la nécessité de tarir le financement de ce groupe terroriste et une conférence sera prochainement organisée à l'initiative de nos amis de Bahreïn en ce sens", a précisé Laurent Fabius.

 

Cette question est très sensible, l'Etat islamique ayant certainement profité de l'appui financier de pays du Golfe aujourd'hui favorables à la coalition internationale en Irak. La semaine dernière, le chef de la diplomatie américaine John Kerry avait notamment montré du doigt des mécènes venus du Qatar et du Koweït. Mais le groupe djihadiste, aujourd'hui à la tête d'une fortune estimée à plus d'un milliard d'euros, s'est également financé grâce à l'argent des rançons versées pour libérer des otages. A ce sujet, Barack Obama s'en est même pris ce week-end à la France, confiant au New York Times qu'elle "payait les terroristes", contredisant ainsi la position officielle de la diplomatie française.

 

Arnaud Focraud - leJDD.fr

 

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