Le casse-tête. Et plus…
L’éditorial de Jean-Claude Kiefer - otan
Une étonnante projection : selon l’OTAN, il faudrait trois ans pour rapatrier d’Afghanistan – un pays sans liaisons ferroviaires – les 122 000 conteneurs et 70 000 véhicules divers (transporteurs, blindés, artillerie…) des 140 000 soldats de l’ISAF (International Security Assistance Force). En prévoyant un convoi toutes les sept minutes en journée, par beau temps, sur des routes impossibles et peu sûres. A condition que le Pakistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan permettent un passage sans encombre (et de toute façon fort onéreux). La Russie ensuite, via le rail ou des avions-cargo…
Or ce casse-tête logistique porte sur un retrait prévu en 2014. Avec le financement à assurer, plus les milliards à verser à l’Afghanistan, il alimente les débats du sommet de l’OTAN jusqu’à demain soir. Avec, pour l’Alliance, un autre défi : le retrait des « forces combattantes » françaises à la fin de l’année, selon la promesse électorale du président Hollande. En réalité, un retrait en demi-teinte car il faudra laisser des troupes sur place pour entretenir et protéger le matériel avant son long rapatriement : environ 1 600 conteneurs, plus de 1 000 véhicules blindés, des systèmes d’artillerie et une dizaine d’hélicoptères.
Le problème est aussi politique. Sur le terrain, les Américains et l’ISAF peuvent se passer des Français. La grande crainte serait de voir d’autres Etats imiter la France en fragilisant encore un peu plus l’OTAN dans sa partie « européenne » déjà tiraillée par les exigences américaines. Surtout pour des projets comme le très contesté « bouclier antimissiles »…
Certes, François Hollande offrira des compensations au retrait français. Et il y a fort à parier que nos partenaires les connaissent. Voilà pourquoi un couac diplomatique imputable à Paris semble exclu. Mais cette entente de façade ne cache pas les différends franco-allemands. Le chef de la diplomatie allemande Westerwelle a vertement critiqué la décision française, et Angela Merkel a rappelé le mot d’ordre de l’OTAN : « entrés ensemble exige de sortir ensemble ». Des paroles qui font sans doute écho aux propos tenus par François Hollande au G8 sur les eurobonds pour une mutualisation des dettes dans la zone euro. Ce que refuse l’Allemagne. Entre Paris et Berlin, il y a vraiment de l’eau dans le gaz. On verra mercredi au sommet européen.